Histoire et devenir de l'affiche de cinéma

 

« L’art de l’affiche de cinéma est de réduire en une image ce que le metteur en scène a réalisé en 350 000. » (Stanley Kubrick)

    

L’affiche de cinéma est apparue en même temps que l'industrie du Cinéma elle-même, c'est-à-dire à la fin du XIXe siècle. Elle permet de faire la publicité d'un film avant ou pendant son exploitation en salles de cinéma.

Ci-dessous celle qui est considérée comme la toute première affiche de cinéma au monde, illustrée par l'artiste Marcellin Auzolle pour la promotion du Cinématographe Lumière / l'Arroseur Arrosé en 1896. A noter que la taille de cette toute première affiche de cinéma était de 120x160cm, qui est toujours le format standard des affiches de cinéma françaises actuelles !

Pendant longtemps, l'affiche de cinéma a été le principal outil promotionnel d'un film. Les studios lui consacraient donc un budget conséquent, et faisaient appel aux artistes les plus talentueux pour distinguer un film de ses concurrents.

Parallèlement à la montée en puissance de l'industrie cinématographique, et du nombre grandissant de films en salle, le volume d'affiches de cinéma à créer augmente lui aussi considérablement. Certains artistes se sont ainsi spécialisés dans la création d'affiches de cinéma, les studios allant parfois jusqu'à les embaucher sous contrat pour s'assurer une production régulière et qualitative d'affiches. Ces artistes spécialisés sont appelés "affichistes" de cinéma.

Parmi les affichistes qui ont le plus marqué l'histoire de l'affiche de cinéma, on peut citer Roger Soubie, Boris Grinsson, Jean Mascii, Saul Bass, Robert McGinnis ou encore Drew Struzan (voir la Galerie des Affichistes de Cinéma).

Grâce à ces artistes de talent, les affiches de cinéma s'émancipent de plus en plus des codes de l'affiche publicitaire classique. Elles gagnent en originalité et en beauté, et deviennent de plus en plus attractives pour les esthètes et les cinéphiles. C'est ainsi qu'apparaissent les premiers collectionneurs d'affiches de cinéma.

 

La quantité d'affiches nécessaires pour la promotion des films augmente en même temps que le nombre de salles de cinéma. Au fil des années, les modes d'impression se modernisent pour permettre une production d'affiches plus industrielle : à la sérigraphie succède la lithographie, puis l’offset dans les années 1950, technique d'impression aux couleurs moins riches que la lithographie mais aux tirages supérieurs, c'est-à-dire permettant d'imprimer un plus grand nombre d'affiches de cinéma. Cette évolution des techniques d'imprimerie aura également un impact sur les formats d'affiches de films, avec notamment l'exemple de la petite affiche de cinéma française qui passe avec l'offset de 40x60cm à 40x54cm (pour plus d'infos sur le sujet des dimensions d'affiches, lisez notre page dédiée aux différents formats d'affiches de cinéma).

 

En termes artistiques, l’illustration est la technique dominante jusqu'au début des années 90, avant d'être supplantée par le photomontage.

La photographie fut introduite dans la conception des affiches à la fin des années 50, grâce au remplacement de l'impression lithographique par l'impression offset qui facilite l'emploi du photomontage. Pour les distributeurs, la création d'affiches de cinéma par photomontage présente l'avantage d'être moins chère et plus rapide que l'illustration. Malheureusement cette technique artistique est aussi plus restrictive que l'illustration en terme de création originale, bien que beaucoup de photomontages soient également très beaux ! La preuve ci-dessous avec deux exemples d'affiches cultes utilisant chacune de ces techniques artistiques : la première est une affiche du Bon, la Brute et le Truand illustrée par le grand affichiste français Jean Mascii, la deuxième est un photomontage pour le fllm Psychose (artiste inconnu).

 

Avec l'augmentation du nombre de films en salle, la concurrence est telle que les professionnels sont conduits à diversifier les outils promotionnels : bande-annonce, presse, radio, télé et internet deviennent des médias courants de promotion du film, réduisant mécaniquement le budget dédié à l'affiche de cinéma.

 

L'affiche de cinéma reste cependant un support essentiel de la promotion du film. En effet dans sa version la plus minimaliste, la campagne publicitaire d'un film comporte aujourd'hui deux éléments : la bande-annonce et l'affiche de cinéma.

 

Aussi, pour concilier la baisse du budget et des délais avec la nécessité de réaliser une affiche attractive, la plupart des distributeurs choisissent de délaisser l’aspect artistique (plus long, plus couteux) pour se concentrer sur des techniques éprouvées de remplissage de salles, comme par exemple le gros plan sur l’acteur vedette, le regard perçant et la posture héroïque, ou encore le très classique dos-à-dos des deux acteurs principaux... le tout étant bien sûr généralement réalisé par photomontage plutôt qu'en illustration.

Dans l'affiche moderne, on voit également apparaître une couleur de fond standard signalant le genre du film (blanc pour la comédie, noir pour le thriller…), avec depuis les années 2000, des distributeurs qui vont jusqu’à pré-tester l’impact des visuels sur un public représentatif.

Conséquence de cette rationalisation intensive des techniques de création d'affiche : une tendance à l'hyper-standardisation des visuels, avec des affiches de cinéma qui se ressemblent toutes, comme le démontre très clairement cet édifiant montage du distributeur Christophe Courtois :

 

Il y a heureusement de nombreuses exceptions parmi les affiches récentes, comme les très belles affiches de cinéma des films Enter the Void (2010), Inherent Vice (2015), Love and Mercy (2015), de L'Etrange Couleur des Larmes de ton Corps (2013), ou d'Au revoir là-haut, affiches de cinéma dont l'originalité et la beauté font parler de ces films bien après leur sortie en salle, contribuant à la notoriété des films sur la durée.

Tout cela est rendu possible grâce à l'audace de certains distributeurs, au poids de certains réalisateurs (comme Stanley Kubrick) que l'on consulte pour le choix de l'affiche et qui vont donc lui apporter leur sensibilité artistique, et bien sûr à de formidables artistes affichistes toujours en activité, dont Drew Struzan, Laurent Lufroy, Jean-Claude Floc'h, Gilles Vranx...

 

Aujourd'hui, une autre menace pèse sur l'affiche de cinéma traditionnelle telle qu'on la connait, au format papier : la numérisation totale des supports promotionnels. Nombre de dossiers de presse sont d'ailleurs déjà envoyés aux médias sur support numérique.

 

Vers la disparition des affiches de cinéma ?

 

L'affiche de cinéma est, a minima, la carte d'identité du film, l'image-symbole qui permet de l'identifier en un coup d'oeil sur tous les supports, que ce soit sur le mur d'une salle de cinéma ou sur le net. Il est donc peu probable que les distributeurs de films cessent de créer des affiches de cinéma.

En revanche il n'est pas certain que les futures affiches de films continuent à être imprimées sur papier.

En effet, la tendance globale à la numérisation des supports se confirme et laisse penser que les affiches du futur ne seront vraisemblablement plus diffusées au format papier, mais projetées sur des écrans à l’entrée des cinémas, comme on l'observe déjà dans les plus grandes salles. 

Concernant les affiches de cinéma au format papier toujours en circulation, leur nombre tend naturellement à la baisse pour des raisons évidentes : destruction volontaire ou involontaire après l'exploitation du film en salles, mauvaises techniques de stockage, aléas (inondations, incendies..), altération naturelle des affiches les plus anciennes... Ceci explique par exemple que le nombre d'affiches originales allemandes restantes de Métropolis de Fritz Lang (1927) est estimé à moins de 10 exemplaires dans le monde !

 

Mais la disparition des affiches de cinéma au format papier n'est pas une fatalité. En effet, une petite partie des affiches exposées en salles finit heureusement dans les collections des cinémathèques, des cinéphiles et des collectionneurs. Exposées ou stockées avec un minimum de précaution, voire restaurées et entoilées par un professionnel, les affiches de cinéma traversent le temps et continuent ainsi à témoigner d'un film, d'un art et d'une époque.

 

Tout ceci explique la détermination des cinéphiles à préserver ce patrimoine historique unique que sont les affiches de cinéma, avec un nombre de collectionneurs d'affiches de films toujours plus important.

Pour aller plus loin : parcourir notre catalogue d'affiches de cinéma originales.

 

Nous espérons que cet article vous a été utile,

Amicalement,

L'équipe Mauvais Genres.